C’était l’avant-dernière représentation. J’ai vu Métamorphoses à la Fontaine aux Images parce que j’étais vraiment décidée à le voir. J’espère que la troupe a prévu le rejouer ce spectacle qui secoue juste ce qu’il faut pour rappeler que derrière chaque destin, se cache une histoire singulière d’humanité. Pour ma part, je suis sortie du Chapiteau un peu sonnée. Impressionnée de cette oeuvre complète et émue du thème traité. Chamboulée. Métamorphosée ?
Entre théâtre et performance, Métamorphoses, la création de Lisa Valverde, directrice artistique de la Fontaine aux Images, à Clichy-sous-Bois, cueille le spectateur sans qu’il s’y attende. Touché à l’inconscient par des métaphores visibles. Le choix de costumes, de décors et d’accessoires rendent les émotions palpables, mesurables. Exposées ainsi devant soi. Impossible de se voiler la face, de ne pas voir la détresse du destin contrarié ni la folie qui s’offre comme une porte de sortie, seule échappatoire d’une prison qui ne dit pas son nom.
D’abord, c’est une histoire de femme. S ; ? C’est une voisine, une cousine, votre grand-mère, la femme qui vient de s’installer dans l’immeuble… Pendant une heure et demie, ce sont des histoires d’immigration, d’une femme, d’un homme, de ses enfants, autant d’histoires singulières qui sont, finalement, banales. Car cette tranche de vie qui se déroule dans un immeuble de six étages à Clichy-sous-Bois est transposable. A une autre époque, une autre ville, un autre quartier, à d’autres continents, d’autres siècles, d’autres cultures… Et cette banalité la rend poignante cette histoire. Un peu comme un snapshot en noir et blanc qui touche au coeur. Car elle parle du déracinement, de la quête d’un meilleur ailleurs, d’une meilleure vie. Meilleur avenir pour sa progéniture, meilleur salaire, meilleure reconnaissance sociale, meilleure estime de soi…
Une composition d’une grande précision
Ces destins, l’auteure et metteure en scène a choisi de les faire jouer à travers plusieurs médiums. Arts plastiques, numériques, primitifs, littérature, musique, peinture, sculpture, exploration du bestiaire et de la pourriture, danse et théâtre bien sûr. Le tout composé dans une économie précieuse où tous les éléments sont mesurés et justes. Les gestes réglés comme du papier à musique font danser les décors. L’écriture fine et travaillée laisse entendre un texte où chaque mot prononcé porte sens. Une écriture emplie de contrepèteries poétiques et de phrases incohérentes dont la subtilité font sourire avec complicité.
Métamorphoses est une œuvre remarquable. Jouée une semaine seulement, le spectacle fera peut-être une tournée ? En sortant de la salle de spectacle, du chapiteau, chaque spectateur ne peut être le même qu’à l’entrée. Qu’il soit touché ou non par la narration, l’universalité des émotions et des ressentis touche le nomade que nous sommes tous. Et c’est heureux. Lorsque je croiserai, demain, une différence de posture, de verbe, de costume ou de regard sur le monde, je me rappèlerai que, peut-être, il n’y a pas loin un sac de marin qui renferme des rêves, des souvenirs et des désillusions.